McsORGAN Magazin 2019

McsORGAN «Von Passiv zu Aktiv» – 167 La beauté du désert a déjà été décrite de manière réaliste, sans le filtre de la transfiguration par An- toine de Saint-Exupéry. Certes, cela n’ébranle pas les fondations du monde, mais je contredis la dé- claration écrite à la page 62 dans la dernière revue du MCS, selon laquelle « Seul le fait de voler serait plus beau »! Il faut supposer que l’auteur ne pos- sède pas dans sa bibliothèque l’œuvre hélas déjà épuisée de P.I.Llott Runter kommen sie alle (Tous arrivent à descendre) aux éditions Johannes-Petri. Peu importe le courant philosophique choisi, le dé- sert est et reste une sorte de clé du ciel. Et cela en restant au sol! A présent, le retour – qu’il faut plutôt qualifier de pénible – par Boudenib, Anoual, Missour en direc- tion de Fez, avec un nuancier de couleurs d’une grande richesse, nous sature d’impressions et de sensations. Pas seulement parce que le moteur à deux cylindres rend l’âme, mais aussi qu’il com- mence à dégager une mauvaise odeur d’huile et que l’un des deux cylindres ne se trouve plus, un beau matin, à son endroit d’origine, c’est-à-dire devant à gauche où il devrait être. C’est que le désert reste le désert et peut aussi être, dans les dommages, rude, surtout quand le moteur tousse et quand les autres moyens de locomotion ne sont pas fiables (cf. illustration). Dans ces situations, il est de peu d’utilité de s’interroger sur le sens de la vie; on peut tout au plus se demander de combien de semaines le voyage se rallongera. Et ce qui est certain, c’est que dans cet état d’âme, même un déambulateur avec auxiliaires d’orientation est envisagé comme moyen de locomotion vers l’Europe. Bref, après des jours d’attente et dans la conviction d’avoir, pour un temps limité, vécu l’Enfer, enfin, on circule libre- ment… en changeant le trajet planifié… dans la plai- ne totalement dépourvue d’arbres et d’ombrage, en direction de Fez avec sa « porte bleue », sa « Tannerie » (quartier des tanneurs), ainsi que ses boutiques de tapis. Dans la Medina inférieure, on dort dans une vieille maison citadine, si l’on se fie à la légende. Dans notre programme de voyage, on a réservé 4 jours à Fez avant de poursuivre la route vers Tanger en passant par Ketama. J’ai déjà fait cette route il y a bien des années; aujourd’hui, elle est asphaltée et rappelle très peu la traversée du désert d’autrefois. Tanger n’est pas une ville de carte postale. Les différences sociales y sautent aux yeux et un séjour prolongé n’est indiqué que si le moteur à explosion à 2 cylindres nécessite une révision. Mais, si déjà l’on s’arrête à Tanger, alors la visite du quartier de la Kasbah et du cap Spartel, à quelques km à l’ouest de la ville, s’impose. Le retour à Gêne et dans le hélas si beau pays de Heidi nous dédommage quelque peu des alea du voyage. Voir et vivre par soi-même, c’est autre chose que d’écouter le récit d’un membre réelle- ment actif. La rencontre entre l’Europe et l’Afrique est seulement une des nombreuses possibilités d’échapper à une société industrielle idolâtre de la technologie et dépourvue d’émotions. J’ai un jour lu quelque part « Celui qui ne voyage pas, ne fera jamais l’expérience de la valeur de la vie. » A présent, l’arrivée à Bâle pour rendre le véhi- cule – même si je cours le danger de ne récolter que le mépris – est ternie, comme on pouvait s’y attendre, par mon propre enterrement. Pourquoi ces horloges qui sonnent de la manière la plus brutale l’arrivée du jour, qui détruisent les rêves et qui rappellent que les contributions annuelles des membres passifs connaissent aussi une date de péremption? Et de surcroît si tôt le matin? Comme le dit si bien Wolfgang Grün: « le Sahara n’est pas l’unique lieu où les rêves se perdent dans le sable. » PS : Le MCS doit la traduction de ce texte en français à Michèle Wollenschneider (F- 68 220 Liebenswiller)

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